dimanche 14 décembre 2014

Les Répurgateurs d’Elbion

Chapitre 1 :

Un cri strident retentit dans la chambre située sur le bord du tronc de l'arbre servant de maison à la famille Spektazuma. Teotiq-ax remua dans son lit en grommelant.

« Pfff. Déjà le matin! »

Il se leva sans cesser de maugréer pour se vêtir. Il enfila son pantalon et sa veste dépourvue de manche en cuir marron avant de boucler une ceinture noire faite du même matériau. Il se regarda dans la glace pour vérifier que tout était bien mis. Du haut de son mètre quatre-vingt il était d'une taille normale pour son espèce et ses vingt ans. Ses yeux reptiliens dorés luisaient légèrement. Cette tenue allait bien avec le bleu clair de sa peau et le bleu foncé de ses écailles dorsales qu'on retrouvait sur ses épaules. Il saisit sa sacoche de tissu contenant son matériel et ses manuels d'alchimie. Teotiq-ax prit le temps de se tourner vers Zwup, son entérodactyle, en faisant bien attention à ne pas frapper le mur avec sa queue préhensile. Il s'agissait d'un reptile ailé semblable à un ptéranodon des temps anciens. Il ne faisait cependant que six mètres d'envergure pour une longueur de trois mètres et avait une longue queue de deux mètres supplémentaire adaptée aux manœuvre aérienne. Il lui servait également de monture lorsqu'il avait de long trajets à faire. Il lui caressa la tête avant de descendre manger. Sa chambre se situait en effet en périphérie du tronc avec une grande vitre donnant sur l'extérieur. Elle se trouvait une vingtaine de mètres au dessus de la salle à manger.

La salle commune où se trouvait le reste de la famille était spacieuse. Elle épousait parfaitement la forme circulaire de l'arbre. Ses quinze mètres de rayon assuraient le fait qu'elle soit spacieuse. Des balcons suivant le tronc étaient suspendus au dessus de cette salle et permettaient de stocker de nombreuses choses. La plupart était assez petit mais tous faisaient un mètre d'épaisseur. Celui où Teotiq-ax allait le plus souvent était celui où il y avait une bibliothèque, le plus grand d'entre eux avec sa forme de demi-cercle de cinq mètres de rayon. Lorsqu'il sortit de l'escalier une voix féminine l'interpella :

« Hé-ho, grand frère ! Vient manger et dépêche toi, on va être en retard en cours!

- Merci de me le rappeler Mund-ox, dit-il avec une grimace. Mais j'ai le temps de manger quand même. Au pire je prendrait Zwup pour arriver plus vite tu sais.

- Je sais, mais déjà que tu as raté papa. C’est embêtant.

- Il est déjà partit à la caserne ? C'est bizarre, il n'y a rien de prévu normalement. Et maman l'accompagne je suppose ?

-Oui ! Elle doit vérifier le générateur de vapeur des exo-armures de l'élite.

-Bon et bien file. J'ai un peu plus de temps devant moi. Au pire Taq-ax viendra me le rappeler. On commence plus tard.

-Si tu veux. Ca m'arrange même.

-Je sais, tu n’auras pas à faire la vaisselle. C’est plus pratique pour toi je suppose, la taquina-t-il.

-Exact, répondit cette dernière en souriant. Aller à ce soir ! »

Avant qu'il n'ait eu le temps de dire quoique ce soit, sa sœur partit en claquant la porte. Un sourire étira les lèvres de Teotiq-ax. Malgré ses dix-huit ans elle ne changerait jamais. Toujours le même caractère frivole et fantasque. Il n'était pas sûr que ce soit l'idéal pour de la zoologie mais il lui faisait confiance. Elle était déterminée dans tous ses projets.

Il s'attaqua à la vaisselle en révisant ses formules alchimiques. Il avait des travaux pratiques aujourd’hui et il avait intérêt à réussir car ils comptaient plus que la normale. Ce n'était pas un souci pour lui que de fabriquer un poison ou un médicament mais on ne savait jamais après tout.

Il venait de finir la vaisselle lorsqu'on frappa à la porte. Sachant pertinemment de qui il s'agissait il prit son sac, rangea ses formules et alla nonchalamment ouvrir l'entrée. Il ne s'était pas trompé. Il s'agissait bel et bien de Taq-ax, un de ses amis de cours. Tout comme lui, et comme tout les Slyths, il était assez grand mais surtout très fort, plus fort que la normale de ce peuple. Il avait déjà réussi l'exploit de tirer hors du chemin fluvial le cadavre d'un jeune arcanodon, pesant tout de même près de cinq cent kilos. Toutefois il avait réussi grâce à l'eau. Sans ça et l'effet d'apesanteur dû à cette dernière, il ne pouvait pas tracter ou lever des masses dépassant les cent-cinquante kilos. Ce qui est toutefois bien supérieur aux cents kilos que peut tirer un individu de cette race en pleine possession de ses moyens. En dehors de cela il ressemblait presque traits pour traits à son ami. Seul l’agencement des motifs sur leurs crânes et de leurs écailles différaient en plus de quelques détails que seule sa race remarquait en temps normal.

« T'es toujours aussi nerveux, tu devrais pas c'est pas bon pour toi, dit Teotiq-ax avec un sourire.

-Et toi t'es trop nonchalant, tu te rends pas compte du temps que tu prends apparemment.

-Si tout à fait même, mais je réserve mon énergie pour autre chose. Bon, on y va peut-être, les connaissants les filles y sont déjà.

-Ouais c'est vrai, pour une fois c'est pas nous qui les attendrons ! »

Les deux amis éclatèrent de rire de concert tout en se dirigeant vers l'école du clan. Subatuun était entièrement construite dans la jungle, chaque arbre suffisamment grand était transformé en bâtiment. De plus, c'était une cité très étendue, elle s'était développée en moins d'un siècle et avait atteint une envergure de plus de trente kilomètres. Sur le monde d'Elbion, il s'agissait d'un exploit compte tenu des tensions continuellement présente. Un écrivain avait résumé cela ainsi : « paix impossible, guerre improbable ». Les Slyths, le peuple de reptiles humanoïdes auquel appartient Teotiq-ax tentait de ne pas s'engager dans de véritable guerre comme la plupart des autres races. Bien que des escarmouches se déroulent de temps à autres, tous font en sorte que cela ne prenne pas de proportions trop grandes car les dommages seraient probablement trop important.

Durant le trajet, les deux amis passèrent par le marché. Il s'agissait d'une grande clairière ombragée qui avait été aménagée. Il s'agissait à l'origine d'un carrefour, puis, au fil du temps des étals avaient été installés. Maintenant, c’était un lieu vivant et coloré. On y trouvait des textiles, des outils, des aliments et bien d'autres choses. L'intégralité de la population de Subatuun était composée de Slyths, bien que d'autres peuples y passent de temps à autres comme des humains ou des Thongoriens, des félins humanoïdes à dents de sabres. Les reptiles eux sont différents, ils étaient tous assez semblables à quelques différences près comme la taille ou leur motif faciaux. La couleur de peau pouvant varier selon les clans répartit sur toute la planète ou le sexe.

Lorsqu'ils arrivèrent devant l'école, ils furent comme toujours impressionnés devant sa taille. Il s'agissait d'une souche d'arbre gigantesque, plus d'une centaine de mètres de rayon, et de loin, pour autant de haut. Bien que l'arbre d'origine soit mort depuis longtemps, il y avait encore de la vie tel que des champignons sur son écorce. Personne ne les avait enlevé car ils pouvaient subvenir aux besoins de la ville en temps de disette ou de guerre. Et au vu de leur taille et de leur prolifération ce n'était pas un problème.

Ils pénétrèrent dans l'école, les murs étaient en bois brut et le sol recouvert d'une épaisse moquette verte du plus mauvais goût. Comme les deux amis l'avaient deviné, leurs amies les attendaient. Xal-ox et Tik-ox étaient des femelles Slyths typique au niveau physique. Ces dernières possédaient le même dimorphisme sexuel que les humain mais de manière légèrement plus prononcé. Toutefois elles restaient plus musclées que des humaines grâce à la densité de leurs muscles. Comme tous les reptiliens de la ville, elles étaient bleu. Toutefois leur visages étaient nettement plus fins et les dessins sur leur visage étaient d’un rouge pâle. Leur tenue étaient assez semblable à celle de Teotiq-ax mais avec une différence notable : elles avaient un pagne fixé à la ceinture en plus du pantalon de cuir. Xal-ox, la plus grande des deux faisait un mètre soixante-quinze, les interpella de sa voix légèrement aigüe dès qu'elle les vit :

« Hey venez là les gars ont discutes de trucs importants !

-Important pour tous le monde ou important pour vous ? dit Taq-ax d'un ton ironique.

-Idiot ! Pour tout le monde bien sur !

-On te croit, vous parliez de quoi ?

-D'un changement de programme, on va faire de la pratique mais on ira aussi en histoire après.

-De l'histoire ! dit brusquement Teotiq-ax. Ca commençait à me manquer

-Oui, tu vas pouvoir apprendre des trucs à la prof. »

Les quatre amis éclatèrent de rire, il était notoire que Teotiq-ax était passionné par l'Histoire d'Elbion, surtout en ce qui concernait les origines des peuples et des cultures de ces derniers. Ils continuèrent de plaisanter jusqu'à ce qu'ils arrivent à la salle d'alchimie. Elle était située au troisième étage du bâtiment. C'était une salle avec dix paillasses alignées de manière totalement symétrique. Le laboratoire disposait également d'étagères chargées du matériel alchimique, en verre ou en céramique. Il comprenait, entre autres : creusets de terre, soufflets, chaudrons de cuivre et de bronze, collection de distillateurs, mortiers et pilons, des alambics divers, des citernes d'eau équipées de valves. Ainsi qu'une lampe puissante, des plats, vases à bec, bocaux, fioles, filtres, tamis, une poche de fonderie, des baguettes à mélanger et des pinces de tailles diverses. De plus on y trouvait un four pour raffiner les métaux et faire chauffer les ingrédients. Il y avait également des bouteilles de verre renfermant des produits chimiques, sous forme de liquides, d'onguents et de poudres.

Ils saluèrent leur professeur en entrant dans la salle. Celui-ci portait une blouse en tissu et des gants en cuir pour se protéger. Il prit rapidement la parole, comme à son habitude :

« Bonjour, installez-vous s'il vous plait. On va se dépêcher de commencer. Comme vous le savez nous allons préparer du poison aujourd'hui. Ensuite nous ferons l'antidote. Bien entendu j'en ai quelques doses par sécurité. Bon préparez votre matériel pour la distillation ainsi que pour le raffinage. Nous allons préparer un extrait de Rubis Sulfureux. Je pense que vous savez que le rubis est une combinaison entre de l'oxyde d'aluminium et du chrome. Le rubis sulfureux, comme son nom l'indique contient également du dioxyde de soufre. Le but de la distillation est de séparer les différents éléments de cette pierre puis de le recombiner avec de l'arsenic pour le rendre mortel même à faible dose. Allez-y, vous connaissez le protocole donc faites. »

Les élèves prirent donc les quelques rubis à disposition. Ils commencèrent à les broyer dans des mortiers avant de verser la poudre obtenue dans un alambic. Ils commencèrent à la faire chauffer. Au bout d'environ une demi-heure, les différents éléments avaient été séparés. Saisissant les fioles contenant l'arsenic, ils versèrent les composants du poison dans un creuset où la chaleur permit de les recombiner. Alors que le professeur inspectait les résultats de ses élèves, une explosion retentit à l'extérieur.

Se dirigeant à la fenêtre pour connaître l'origine de la déflagration, les alchimistes virent une chose qui les choqua. Un grand cercle de feu se trouvait à l'emplacement du marché. Et au milieu des décombres se trouvait un homme aux vêtements miteux. Il tenait dans une main un long bâton tortueux, il avait les mains décharnées et le teint pâle. Nombre de Slyths étaient morts ou ne valaient guère mieux. L'être étant la cause de tout cela riait du rire d'un fou. Devant ce spectacle de destruction, Teotiq-ax murmura :

« Un praticien des arcanes... Un manipulateur des Phases ! Mais que fait-il ici ? »

Comme pour répondre à sa question, une personne fendit la foule des badauds qui s'était formée à distance respectable du brasier. Il portait une longue djellaba beige à capuche, cette dernière rabattue sur sa tête. A sa ceinture se trouvait une épée, tandis qu'un marteau de combat était accroché dans son dos. Des dagues pendaient à sa taille. Il rabattit sa large capuche pour laisser apparaître un visage félin, deux crocs sortaient de sa mâchoire : c'était un Thongorien. De sa main ganté de blanc, il saisit l'arme dans son dos. Elle était composée d'un manche semblant fait d'écailles. Les embouts était dorés, le marteau en lui même était fait d'une roche verte et translucide. A l'opposé de la tête de l'arme se trouvait un pic du même matériau. Lorsqu'il saisit son outil, il sembla interpeller le mage ennemi. Ce dernier brandit son sceptre en le voyant. Ce dernier s'illumina et les corps brulés se relevèrent. Tous furent choqués devant cet acte. Le smilodon humanoïde hurla :

« Comment ose tu utiliser les Phases pour faire le mal Nécronomancien ! Elles sont là pour aider la vie, pas pour la détruire !

-Ha, et que peut tu faire contre cela, Templier ? Dit son adversaire d'une voix sifflante.

-Je peut t'empêcher de nuire définitivement. Je te piste depuis longtemps et j'ai juré de te vaincre. Et par Ingvald je tiendrait cette promesse.

-Après huit cents ans d'absence et de préparation, nous sommes de retour. Les Guerres Nécromantiques vont reprendre, partout dans le monde les miens prennent le pouvoir.

-Encore faudrait-il que vous surviviez ! »


Sur ces mots il fonça dans la horde de zombies, évitant les morts vivant, leur arrachant la tête d'un coup de son arme lourde si nécessaire. Il n'y avait qu'une petite dizaine de ces cadavres réanimés. Alors qu'il n'était plus qu'à quelques mètres de son opposant lorsque celui-ci invoqua un mur de feu. En réponse à cet assaut, le félin conjura un vent extrêmement violent pour créer une ouverture dans le mur de feu. Profitant de la faille ainsi offerte il se jeta sur l'humain décharné dans le but de lui fracasser le crâne.


 A cet instant, la vue de Teotiq-ax se brouilla et il ploya les genoux avant de reprendre contenance. Le Templier quand à lui fut troublé un instant. Trouble que le Nécronomancien mit à profit pour esquiver le coup. Il semblait par ailleurs prendre conscience des capacité de son adversaire. Il lui sembla plus judicieux de fuir ce combat qui serait sans vainqueur. Devant une telle lâcheté, le Thongorien saisit une dague à sa ceinture pour la projeter. Bien qu'elle ne toucha pas sa cible, la signification en était claire : tu mourras de ma main !

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