Chapitre 1 :
Un cri strident retentit dans la
chambre située sur le bord du tronc de l'arbre servant de maison à
la famille Spektazuma. Teotiq-ax remua dans son lit en grommelant.
« Pfff. Déjà le matin! »
Il se leva sans cesser de maugréer
pour se vêtir. Il enfila son pantalon et sa veste dépourvue de
manche en cuir marron avant de boucler une ceinture noire faite du
même matériau. Il se regarda dans la glace pour vérifier que tout
était bien mis. Du haut de son mètre quatre-vingt il était d'une
taille normale pour son espèce et ses vingt ans. Ses yeux reptiliens
dorés luisaient légèrement. Cette tenue allait bien avec le bleu
clair de sa peau et le bleu foncé de ses écailles dorsales qu'on
retrouvait sur ses épaules. Il saisit sa sacoche de tissu contenant
son matériel et ses manuels d'alchimie. Teotiq-ax prit le temps de
se tourner vers Zwup, son entérodactyle, en faisant bien attention à
ne pas frapper le mur avec sa queue préhensile. Il s'agissait d'un
reptile ailé semblable à un ptéranodon des temps anciens. Il ne
faisait cependant que six mètres d'envergure pour une longueur de
trois mètres et avait une longue queue de deux mètres
supplémentaire adaptée aux manœuvre aérienne. Il lui servait
également de monture lorsqu'il avait de long trajets à faire. Il
lui caressa la tête avant de descendre manger. Sa chambre se situait
en effet en périphérie du tronc avec une grande vitre donnant sur
l'extérieur. Elle se trouvait une vingtaine de mètres au dessus de
la salle à manger.
La salle commune où se trouvait le
reste de la famille était spacieuse. Elle épousait parfaitement la
forme circulaire de l'arbre. Ses quinze mètres de rayon assuraient
le fait qu'elle soit spacieuse. Des balcons suivant le tronc étaient
suspendus au dessus de cette salle et permettaient de stocker de
nombreuses choses. La plupart était assez petit mais tous faisaient
un mètre d'épaisseur. Celui où Teotiq-ax allait le plus souvent
était celui où il y avait une bibliothèque, le plus grand d'entre
eux avec sa forme de demi-cercle de cinq mètres de rayon. Lorsqu'il
sortit de l'escalier une voix féminine l'interpella :
« Hé-ho, grand frère !
Vient manger et dépêche toi, on va être en retard en cours!
- Merci de me le rappeler Mund-ox,
dit-il avec une grimace. Mais j'ai le temps de manger quand même. Au
pire je prendrait Zwup pour arriver plus vite tu sais.
- Je sais, mais déjà que tu as raté
papa. C’est embêtant.
- Il est déjà partit à la caserne ?
C'est bizarre, il n'y a rien de prévu normalement. Et maman
l'accompagne je suppose ?
-Oui ! Elle doit vérifier le
générateur de vapeur des exo-armures de l'élite.
-Bon et bien file. J'ai un peu plus de
temps devant moi. Au pire Taq-ax viendra me le rappeler. On commence
plus tard.
-Si tu veux. Ca m'arrange même.
-Je sais, tu n’auras pas à faire la
vaisselle. C’est plus pratique pour toi je suppose, la taquina-t-il.
-Exact, répondit cette dernière en souriant. Aller à ce soir ! »
Avant qu'il n'ait eu le temps de dire
quoique ce soit, sa sœur partit en claquant la porte. Un sourire
étira les lèvres de Teotiq-ax. Malgré ses dix-huit ans elle ne
changerait jamais. Toujours le même caractère frivole et fantasque.
Il n'était pas sûr que ce soit l'idéal pour de la zoologie mais
il lui faisait confiance. Elle était déterminée dans tous ses
projets.
Il s'attaqua à la vaisselle en
révisant ses formules alchimiques. Il avait des travaux pratiques
aujourd’hui et il avait intérêt à réussir car ils comptaient plus que la normale. Ce n'était pas un
souci pour lui que de fabriquer un poison ou un médicament mais on
ne savait jamais après tout.
Il venait de finir la vaisselle
lorsqu'on frappa à la porte. Sachant pertinemment de qui il
s'agissait il prit son sac, rangea ses formules et alla nonchalamment
ouvrir l'entrée. Il ne s'était pas trompé. Il s'agissait bel et
bien de Taq-ax, un de ses amis de cours. Tout comme lui, et comme
tout les Slyths, il était assez grand mais surtout très fort, plus
fort que la normale de ce peuple. Il avait déjà réussi l'exploit
de tirer hors du chemin fluvial le cadavre d'un jeune arcanodon,
pesant tout de même près de cinq cent kilos. Toutefois il avait réussi
grâce à l'eau. Sans ça et l'effet d'apesanteur dû à cette
dernière, il ne pouvait pas tracter ou lever des masses dépassant les
cent-cinquante kilos. Ce qui est toutefois bien supérieur aux cents kilos que peut
tirer un individu de cette race en pleine possession de ses moyens. En dehors de cela il ressemblait presque traits
pour traits à son ami. Seul l’agencement des motifs sur leurs crânes et de leurs écailles différaient en plus de quelques détails
que seule sa race remarquait en temps normal.
« T'es toujours aussi nerveux,
tu devrais pas c'est pas bon pour toi, dit Teotiq-ax avec un sourire.
-Et toi t'es trop nonchalant, tu te
rends pas compte du temps que tu prends apparemment.
-Si tout à fait même, mais je réserve
mon énergie pour autre chose. Bon, on y va peut-être, les
connaissants les filles y sont déjà.
-Ouais c'est vrai, pour une fois c'est
pas nous qui les attendrons ! »
Les deux amis éclatèrent de rire de
concert tout en se dirigeant vers l'école du clan. Subatuun était
entièrement construite dans la jungle, chaque arbre suffisamment grand était transformé en bâtiment. De plus, c'était une cité très étendue, elle s'était
développée en moins d'un siècle et avait atteint une envergure de
plus de trente kilomètres. Sur le monde d'Elbion, il s'agissait d'un
exploit compte tenu des tensions continuellement présente. Un
écrivain avait résumé cela ainsi : « paix impossible,
guerre improbable ». Les Slyths, le peuple de reptiles
humanoïdes auquel appartient Teotiq-ax tentait de ne pas s'engager
dans de véritable guerre comme la plupart des autres races. Bien que des escarmouches se déroulent de
temps à autres, tous font en sorte que cela ne prenne pas de
proportions trop grandes car les dommages seraient probablement trop important.
Durant le trajet, les deux amis
passèrent par le marché. Il s'agissait d'une grande clairière
ombragée qui avait été aménagée. Il s'agissait à l'origine d'un
carrefour, puis, au fil du temps des étals avaient été installés.
Maintenant, c’était un lieu vivant et coloré. On y trouvait des textiles,
des outils, des aliments et bien d'autres choses. L'intégralité de
la population de Subatuun était composée de Slyths, bien que
d'autres peuples y passent de temps à autres comme des humains ou
des Thongoriens, des félins humanoïdes à dents de sabres. Les
reptiles eux sont différents, ils étaient tous assez semblables à
quelques différences près comme la taille ou leur motif faciaux. La
couleur de peau pouvant varier selon les clans répartit sur
toute la planète ou le sexe.
Lorsqu'ils arrivèrent devant l'école,
ils furent comme toujours impressionnés devant sa taille. Il
s'agissait d'une souche d'arbre gigantesque, plus d'une centaine de
mètres de rayon, et de loin, pour autant de haut. Bien que l'arbre
d'origine soit mort depuis longtemps, il y avait encore de la vie tel
que des champignons sur son écorce. Personne ne les avait enlevé
car ils pouvaient subvenir aux besoins de la ville en temps de
disette ou de guerre. Et au vu de leur taille et de leur
prolifération ce n'était pas un problème.
Ils pénétrèrent dans l'école, les
murs étaient en bois brut et le sol recouvert d'une épaisse
moquette verte du plus mauvais goût. Comme les deux amis l'avaient
deviné, leurs amies les attendaient. Xal-ox et Tik-ox étaient des
femelles Slyths typique au niveau physique. Ces dernières possédaient le
même dimorphisme sexuel que les humain mais de manière légèrement plus
prononcé. Toutefois elles restaient plus musclées que des humaines grâce à la densité de leurs muscles.
Comme tous les reptiliens de la ville, elles étaient bleu. Toutefois
leur visages étaient nettement plus fins et les dessins sur leur
visage étaient d’un rouge pâle. Leur tenue étaient assez semblable à
celle de Teotiq-ax mais avec une différence notable : elles
avaient un pagne fixé à la ceinture en plus du pantalon de cuir.
Xal-ox, la plus grande des deux faisait un mètre
soixante-quinze, les interpella de sa voix légèrement aigüe dès
qu'elle les vit :
« Hey venez là les gars ont
discutes de trucs importants !
-Important pour tous le monde ou
important pour vous ? dit Taq-ax d'un ton ironique.
-Idiot ! Pour tout le monde bien
sur !
-On te croit, vous parliez de quoi ?
-D'un changement de programme, on va
faire de la pratique mais on ira aussi en histoire après.
-De l'histoire ! dit
brusquement Teotiq-ax. Ca commençait à me manquer
-Oui, tu vas pouvoir apprendre des
trucs à la prof. »
Les quatre amis éclatèrent de rire,
il était notoire que Teotiq-ax était passionné par l'Histoire
d'Elbion, surtout en ce qui concernait les origines des peuples et
des cultures de ces derniers. Ils continuèrent de plaisanter jusqu'à
ce qu'ils arrivent à la salle d'alchimie. Elle était située au
troisième étage du bâtiment. C'était une salle avec dix
paillasses alignées de manière totalement symétrique. Le
laboratoire disposait
également
d'étagères chargées du matériel alchimique, en verre ou en
céramique. Il comprenait,
entre autres : creusets de terre, soufflets, chaudrons de cuivre
et de bronze, collection de distillateurs, mortiers et pilons, des
alambics
divers,
des
citernes d'eau équipées de valves. Ainsi qu'une
lampe puissante, des plats, vases à bec, bocaux, fioles, filtres,
tamis, une poche de fonderie, des baguettes à mélanger et des
pinces de tailles diverses. De
plus on y trouvait un
four pour raffiner les métaux et faire chauffer les ingrédients. Il
y avait
également des bouteilles de verre renfermant des produits chimiques,
sous forme de liquides, d'onguents et de poudres.
Ils saluèrent leur professeur en
entrant dans la salle. Celui-ci portait une blouse en tissu et des
gants en cuir pour se protéger. Il prit rapidement la parole, comme
à son habitude :
« Bonjour, installez-vous s'il
vous plait. On va se dépêcher de commencer. Comme vous le savez
nous allons préparer du poison aujourd'hui. Ensuite nous ferons
l'antidote. Bien entendu j'en ai quelques doses par sécurité. Bon
préparez votre matériel pour la distillation ainsi que pour le
raffinage. Nous allons préparer un extrait de Rubis Sulfureux. Je
pense que vous savez que le rubis est une combinaison entre de
l'oxyde d'aluminium et du chrome. Le rubis sulfureux, comme son nom
l'indique contient également du dioxyde de soufre. Le but de la
distillation est de séparer les différents éléments de cette pierre
puis de le recombiner avec de l'arsenic pour le rendre mortel même à
faible dose. Allez-y, vous connaissez le protocole donc faites. »
Les élèves prirent donc les quelques
rubis à disposition. Ils commencèrent à les broyer dans des
mortiers avant de verser la poudre obtenue dans un alambic. Ils
commencèrent à la faire chauffer. Au bout d'environ une demi-heure,
les différents éléments avaient été séparés. Saisissant les
fioles contenant l'arsenic, ils versèrent les composants du poison
dans un creuset où la chaleur permit de les recombiner. Alors que le
professeur inspectait les résultats de ses élèves, une explosion
retentit à l'extérieur.
Se dirigeant à la fenêtre pour
connaître l'origine de la déflagration, les alchimistes virent une
chose qui les choqua. Un grand cercle de feu se trouvait à
l'emplacement du marché. Et au milieu des décombres se trouvait un
homme aux vêtements miteux. Il tenait dans une main un long bâton
tortueux, il avait les mains décharnées et le teint pâle. Nombre
de Slyths étaient morts ou ne valaient guère mieux. L'être étant
la cause de tout cela riait du rire d'un fou. Devant ce spectacle de
destruction, Teotiq-ax murmura :
« Un praticien des arcanes... Un
manipulateur des Phases ! Mais que fait-il ici ? »
Comme pour répondre à sa question,
une personne fendit la foule des badauds qui s'était formée à
distance respectable du brasier. Il portait une longue djellaba beige
à capuche, cette dernière rabattue sur sa tête. A sa ceinture se
trouvait une épée, tandis qu'un marteau de combat était accroché
dans son dos. Des dagues pendaient à sa taille. Il rabattit sa large
capuche pour laisser apparaître un visage félin, deux crocs
sortaient de sa mâchoire : c'était un Thongorien. De sa main
ganté de blanc, il saisit l'arme dans son dos. Elle était composée
d'un manche semblant fait d'écailles. Les embouts était dorés, le
marteau en lui même était fait d'une roche verte et translucide. A
l'opposé de la tête de l'arme se trouvait un pic du même matériau.
Lorsqu'il saisit son outil, il sembla interpeller le mage ennemi. Ce
dernier brandit son sceptre en le voyant. Ce dernier s'illumina et
les corps brulés se relevèrent. Tous furent choqués devant cet
acte. Le smilodon humanoïde hurla :
« Comment ose tu utiliser les
Phases pour faire le mal Nécronomancien ! Elles sont là pour
aider la vie, pas pour la détruire !
-Ha, et que peut tu faire contre cela,
Templier ? Dit son adversaire d'une voix sifflante.
-Je peut t'empêcher de nuire
définitivement. Je te piste depuis longtemps et j'ai juré de te
vaincre. Et par Ingvald je tiendrait cette promesse.
-Après huit cents ans d'absence et de
préparation, nous sommes de retour. Les Guerres Nécromantiques vont
reprendre, partout dans le monde les miens prennent le pouvoir.
-Encore faudrait-il que vous
surviviez ! »
Sur ces mots il fonça dans la horde
de zombies, évitant les morts vivant, leur arrachant la tête d'un
coup de son arme lourde si nécessaire. Il n'y avait qu'une petite
dizaine de ces cadavres réanimés. Alors qu'il n'était plus qu'à
quelques mètres de son opposant lorsque celui-ci invoqua un mur de
feu. En réponse à cet assaut, le félin conjura un vent extrêmement
violent pour créer une ouverture dans le mur de feu. Profitant de
la faille ainsi offerte il se jeta sur l'humain décharné dans le
but de lui fracasser le crâne.
A cet instant, la vue de Teotiq-ax se
brouilla et il ploya les genoux avant de reprendre contenance. Le
Templier quand à lui fut troublé un instant. Trouble que le
Nécronomancien mit à profit pour esquiver le coup. Il semblait par
ailleurs prendre conscience des capacité de son adversaire. Il lui
sembla plus judicieux de fuir ce combat qui serait sans vainqueur.
Devant une telle lâcheté, le Thongorien saisit une dague à sa
ceinture pour la projeter. Bien qu'elle ne toucha pas sa cible, la
signification en était claire : tu mourras de ma main !
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